Pour une agriculture respectueuse de l'Homme et de la Nature

Dans le cadre du Bilan de santé de la PAC (Politique Agricole Commune), NHM a été invité à prendre part aux discussions. L'occasion de rappeler nos attentes en matière d'agriculture.

 

Ci-dessous, l'extrait du courrier adressé au Préfet de la Haute-Marne, le 8 février 2008 (rédigé par Pierre Badoil, représentant de NHM à la Comissions Départementale d'Orientation Agricole)

Dans un premier temps , sans vouloir refaire le Grenelle de l'Environnement, nous rappellerons nos grands principes de base qui ne doivent jamais être perdus de vue, et surtout dans leurs applications qui doivent aussi être pensées en fonction de leur compréhension et de leur mise en oeuvre.
De plus, du fait de l'intrication de tous les éléments, bio ou abiotiques nous raisonnons au niveau planétaire.
Nous ajouterons que notre discours devrait être pris très au sérieux, car contrairement à d'autres parties (firmes agro-alimentaires et de phytosanitaires, établissements financiers, pouvoirs politiques...), nous n'y avons aucun intérêt sauf à vouloir laisser une Terre viable à nos successeurs.

Notre civilisation tend à se mondialiser et semble uniquement tournée vers le matérialisme, la consommation et la jouissance, ce qui est totalement contraire avec les capacités de la Terre dont les réserves en tout genre s'épuisent dramatiquement. La seule réponse possible nous semble être une autre civilisation basée sur la connaissance, le respect de tout les éléments du vivant et un partage équitable des richesses pour ne pas induire de déséquilibres humains (« la pauvreté est la plus grande forme de pollution », Indira Gandhi), et environnementaux (déforestations, surpâturages avec avancée des déserts, surpêches, pollutions...).

Tout système maintenu artificiellement en place a pour vocation à s'effondrer en mettant à mal ses composantes et de ce fait, d'une façon générale, nous sommes opposés à un système d'aides pérennes et institutionnalisées qui est, de fait, un système inégalitaire et protectionnisme engendrant des effets boomerang incontrôlables (déplacements et intégration de populations, misère, dépendances, problèmes sanitaires avec vecteurs de pandémies potentielles...).
Seules, des aides conditionnelles liées à des aléas imprévisibles, des aides transitoires et des demandes particulières de la société (sécurisation alimentaire, protections environnementales, ...) ont notre assentiment.
Il doit donc être mis en place, avec tout ce que cela comporte de réformes et de visualisation en termes de durée, une politique complète permettant à tout individu, toute corporation de vivre dignement de son travail.
La mondialisation ne doit pas être le prétexte à tirer vers le bas la civilisation, et encore moins d’arriver à une uniformisation ; c'est plutôt un alignement par le haut qui doit être recherché ; cela veut dire que des mécanismes doivent être mis en place pour d'une part, protéger contre les déréglementations aberrantes et les concurrences déloyales, et d'autre part, pour (r)établir un équilibre de droits et de devoirs envers tous les partenaires (par exemple, par taxations des échanges qui ne respectent ni les droits de l'Homme, ni les droits sociaux, ni les contraintes environnementales).

En ce qui concerne les grands défis abordés par le document transmis pour la session du 1er février :

Le défi alimentaire

  • La réaffirmation que l'indépendance alimentaire de la France n'est pas négociable.
  • Les productions ne doivent pas avoir pour seul but de satisfaire un système économique, mais plutôt de répondre aux besoins fondamentaux d'échanges de biens et de services entre les nations.
  • Les productions de biocarburants doivent être totalement exclues tant que la suffisance et l'accessibilité alimentaire du monde n'est pas totalement satisfaite
  • Les productions doivent être adaptées à leur localisation environnementale et humaine.
  • La préservations des races et des espèces, faune et flore confondues, est primordiale pour une réserve génétique et donc pour l'adaptation nécessaire aux changements à venir, climatiques en particulier.

Le défi écologique

  • C'est le plus important défi que l'humanité ait jamais eu à affronter : ou elle gagne ce défi ou elle disparaît.
  • « Qui cueille une fleur, dérange un étoile » ont dit il y a bien longtemps les poètes.
    C'est la traduction du fait que, en partant des micro-organismes pour aller jusqu'aux primates supérieurs, et en passant par tous les éléments abiotiques, toutes ces composantes sont interconnectées et interdépendantes, ce qui induit que, puisque nous sommes partie intégrante du système, et de plus à son sommet, notre existence est fonction de la survie de l'ensemble ; et donc que notre vulnérabilité s'accroît avec nos actions destructrices, pour arriver à un point de non retour, contrairement à ce que l'espèce humaine a toujours été habituée à vivre, dans ses errements humanitaires et économiques au cours des temps.

Parmi les nombreuses mesures qui s'imposeraient, nous privilégions entre autres en agriculture :

  • Une tendance généralisée vers une agriculture biologique, ou tout du moins vers une réduction drastique d'intrants non absolument nécessaires s'il existe d'autres solutions (l'agriculture ne doit pas être l'antichambre des firmes chimiques).
  • Que tous les produits biocides soient l'objet d'études poussées et contradictoires, et nous ajouterons aussi, que les pouvoirs publics fassent respecter les normes qui sont en vigueur (eau polluées, résidus de pesticides dans les aliments...).
  • Pas d'OGM tant que ne sera pas prouvé leur non nocivité alimentaire et environnementale, leur supériorité alimentaire et/ou sanitaire sur les produits naturels, que leur utilisation n'est pas l'instauration d'un système de dépendance complète envers des multinationales dont le seul but est la rentabilité.
  • La protection impérative des ressources halieutiques sans succomber aux pressions diverses.
  • Le suivi des mesures et sanctions dissuasives à mettre en application sans échappatoire possible (état des eaux, sécurité alimentaire, partage de l'eau...) ; les pollueurs doivent être impérativement les payeurs, tout comme les utilisateurs.
  • La conservation des zones humides et autres espaces naturels, maillage du territoire pour préserver la biodiversité et sa continuité sur l’ensemble du territoire.

Le défi énergétique

  • En l'état actuel de nos connaissances, et d'une façon générale, étant donné que la Terre est un espace fini, et donc avec des ressources énergétiques limitées, il en découle, en considérant la démographie de la Terre, ainsi que les besoins et les potentiels de consommation des sociétés humaines, que seules les énergies renouvelables ont un avenir dans la durée : hydrologie (sans toucher à l'eau nécessaire à la consommation et à la biodiversité), éolien, solaire, géothermie, biomasse…
  • Il en découle que nous devons aller vers des économies drastiques d'énergies, une implantation massive de ces sources d'énergies renouvelables, une révolution de nos modes de pensées de consommation et d'activités, conjuguée avec un aménagement des territoires orienté en ce sens (par exemples : circuits courts, produits de saison, lieux de travail et services publics proches des habitations, plan massif pour les transports collectifs (rail, voies navigables)...
  • Actuellement, la balance énergétique, environnementale (déforestations massives, pollutions aux biocides...) et alimentaire des biocarburants étant très négative, nous ne pouvons que condamner cette solution.
  • Il est nécessaire de promouvoir les recherches tous azimuts pour trouver des solutions équilibrées.

Dans un deuxième temps, au sujet du débat de ce 1er février :

En ce qui concerne toutes les mesures internes « agro-agricoles » pilotées par toute la diversité du monde agricole, qui vont des quotas maintenus, des Droits à Paiement Unique, des gestions et assurances des risques, des aides couplées ou pas... en allant à l'organisation des filières, la conditionnalité, la préférence communautaire, la vérité des coûts, la ligne générale de la PAC... et en passant par les prélèvements et distributions des 1er et 2ème piliers, les instruments de régulation du marché..., nous ne prendrons aucune position bien que n'étant pas insensibles aux arguments des uns et des autres car, in fine, il y a des hommes et des femmes qui, ne l'oublions pas, produisent pour nous satisfaire, ce qui engendre notre responsabilité tant collective que personnelle lors de nos choix de consommation.

Par contre, nous avons une grande crainte au sujet de la dépendance de l'agriculture aux aides de la PAC (vers 45 milliards d’€uros) : un courant de libéralisme prévaut actuellement dans le monde et au sein de l'OMC, et donc, sauf à prendre une position suicidaire d'isolement, il est très probable que les prochaines négociations vont aboutir à une réductions significative des aides, à l'agriculture en particulier.
Nous pensons qu'un discours de vérité doit être tenu par les politiques et les organismes agricoles responsables pour préparer et déterminer les accompagnements nécessaires à ces grands bouleversements.
Ceci doit l'être d'autant plus que le changement climatique va très certainement chambouler les données.

Nous sommes effrayés (le terme n'est pas trop fort) par la méconnaissance qu'a le monde agricole de ce qui n'est pas de son domaine, en particulier sur la biodiversité et en général sur le défi écologique.
Il ne lui sert à rien de s'enfermer dans cette négation d'une agriculture intensive, mais elle n'est pas la seule, ayant un fort impact négatif sur l'environnement.
Il lui serait beaucoup plus profitable de considérer que la vérité est multiple, et que lorsque toutes les données vont dans le même sens, il serait très sage de les prendre en considération ; et cela reste vrai pour d'autres acteurs tels que l'industrie et les particuliers.

Retour